Anne Pigalle au Pigalle
Quel autre port nocturne aurait pu mieux convenir à la diaphane Anne Pigalle? Imposante brasserie ouverte jour et nuit, illuminant de son enseigne survoltée le carrefour le plus célèbre de Paris, Le Pigalle a accueilli le temps d’un souvenir la petite chanteuse frenchie exilée a Londres.
Pour ne pas finir dans un couloir de Sainte-Anne, Pigalle a lâché les amarres et traversé le Channel… Deux ans de galère, K7 en main, d’attente, d’espoirs déçus, pour aboutir à un premier album miracle sur un label fougueux et déjà prestigieux, ZTT. Les découvreurs de Frankie Goes to Hollywood, Propaganda, Trevor Horn, Paul Morley ont-ils déniché l’Edith Piaf du siècle finissant? Un peu tôt pour l’affirmer. L’essentiel y est. Il manque juste la rage… En attendant, Anne Pigalle vit avec son pseudo et des grandes espérances dans le quartier de Nottinghill Gate, près de Portobello. Son entourage se limite à une poignée d’intimes, musiciens et photographes. Sérieuse, elle traîne peu dans les clubs et les pubs.
Grande adepte du Bailey’s, cocktail de liqueur de café et de noix de coco, Anne a préféré, au Pigalle, écluser les kirs servis de main de maître par Fanfan, le capitaine du comptoir. Hublots bleutés, luminaires multicolores, piliers dorés, ce temple de la nuit s’impose comme le summum de l’élégance et du design cinquante. Jacques Tati aurait pu y tourner des scènes de Mon Oncle.
Hormis cet aspect revival, en quoi Le Pigalle est-il un bar rock ? Voyez la fauve sauvage qui le hante et vous cesserez de vous poser la question. Travelos brésiliens, macs au look Mink Deville, dealers, voyageurs de la nuit au bout de leur dérive… Une seule tribu manque à l’appel: celle des junks. Nombreux par le passé, ils ont déserté l’endroit le jour où la direction a décidé de ne plus fournir, avec les petits noirs, que des cuillères à café percées…
Anne Pigalle: Tout pourraît être si parfait (ZTT/Phonogram). Le Pigalle: 22, boulevard de Clichy, 75018 Paris.